Et si les vendeurs étaient plus payés que le patron?

Voici un petit article d’Éric Bertin, expert en techniques de ventes,  édité le 22 août 2018, qui reprend un peu tout ce dont nous avons déjà parlé en terme de motivation, salaire, force de vente, etc. Commerçants, dirigeants, cadres, inspirez-vous-en… Bonne lecture !!

(…)Me voilà de retour de vacances et plus spécialement de deux mariages (…)  Dans ces deux mariages, j’ai eu trois fois la même conversation (…) Le sujet : la fermeture des magasins physiques et des commerces de détail à cause d’internet et de la compétence de vente de détail.

J’avais déjà commenté ce sujet en 2016 après un article dans Bilan sur « Le commerce de détail en crise ». Le disque est donc rayé et tourne en boucle depuis au moins deux ans. Force de constater que sur les 6 derniers mois, tous les médias se sont fait l’écho de fermetures de commerces physiques ‘’à cause’’ du grand méchant web. (…) Tout le monde a eu vent de la débâcle d’OVS, Globus qui ferme à Balexert, Athleticum vendu à Décathlon ou encore les commerces de détail, comme Sport137 à Versoix, pionniers de la glisse sur eau,  totalement désarmés face à la désertion de leurs surfaces de vente.

Il y a 50 ans déjà, avant l’arrivée du commerce de masse, grandes enseignes et autres franchisés (…) étaient plus nombreux et le marché tout aussi féroce. Comment dès lors expliquer que les commerçants s’en sortaient ? Simplement parce qu’ils avaient des bouches à nourrir le soir en rentrant à la maison et que cela les obligeait à être bons vendeurs pour faire tourner la boutique et à fidéliser la clientèle (…) Ils connaissaient nos noms, nos parents, nos enfants, l’âge de chacun, leur profession, leurs goûts, leur dernier lieu de vacances (…) Qui peut en dire autant de nos jours ?

Ensuite sont venues les grandes enseignes, les centres commerciaux en périphérie des villes avec leurs grandes marques internationales. En concentrant le marché sous un même toit, ils ont transformé d’accueillants étals en austères amas d’étagères et le vendeur en une ressource payée à remplir un rayon plutôt qu’à interagir avec l’acheteur. Conséquence : plus aucune motivation à vendre ou à conseiller correctement puisque que, quel que soit l’assiduité, la qualité du travail ou l’humeur du vendeur, le salaire est non seulement le même à la fin du mois mais en plus il est ingrat…

2010-2020 : On nous rabat les oreilles depuis plusieurs années avec les nouvelles tendances du type « customer experience » ou « customer centric » ! Imaginez : « Chef, j’ai un super plan stratégique pour l’an prochain. On va mettre le client au centre(…) ! » ;  « Ok… super. Et sinon je t’ai payé à quoi faire toutes ces années si tu n’as pas mis le client au centre ? » Bon sang, on n’invente toujours rien !!! Encore heureux qu’il faut être «customer centric» ! C’est la base d’une vente ; (…) quel en est le dénominateur commun ? (…) Tout simplement l’humain ! Le sourire, le bonjour, le sens du service…  la relation humaine quoi !

Vous en doutez ? Très bien. Allez dans votre dressing (…) et admirez vos habits; dites-moi lesquels avez-vous acheté en solde ? Quelle remise avez-vous obtenue sur ce jean, cette chemise ou ce tailleur ? … difficile de s’en souvenir? Maintenant, regardez de nouveau vos habits et repensez au magasin qui vous a semblé le plus accueillant ? Le vendeur qui vous a donné de bons conseils ou que vous trouviez souriant ? Là bizarrement vous vous souvenez de ce polo acheté durant les vacances avec votre compagne et la vendeuse au coin de la cabine d’essayage qui vous dit « la taille M vous met beaucoup plus en valeur que le L, si j’étais vous je n’hésiterais pas une seconde. N’est-ce pas Madame ? » Et ma compagne d’acquiescer… Elle est là l’expérience client !

Mais ça fait 2’000 ans que ça existe  et 50 que l’on a oublié ce que c’est. Et si le commerce en ligne prospère, ce n’est pas parce que le consommateur 4.0 ne cherche que du prix. C’est parce qu’il n’y a plus aucune notion de service ni d’humain dans la vente. Alors à prix identique, pourquoi aller dans un magasin où le staff vous donne de l’eczéma ? Une décision est 10% dans la tête, 90% dans les tripes ! Le prix est important, mais secondaire s’il y a de l’émotion.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Parce que sur les postes de vendeur nous avons écrémé par le bas. (…) Si vous avez de bons vendeurs, laissez-les à la vente, et rendez-les inspirants pour leurs collègues tout en les récompensant de leur performance et en leur confiant d’autres responsabilités (…) on ferait mieux de mettre des salaires attractifs indexés sur les ventes aux vendeurs plutôt que de perdre du temps et de l’argent à réinventer et renommer des concepts marketing vieux de 1’000 ans. (…) Un vendeur qui gagne bien sa vie est un vendeur performant. S’il gagne, l’entreprise gagne et le patron gagne ! (…) En somme, peu importe ce que vous vendez, ce qui fait la différence c’est ce que le vendeur mettra d’humain et d’émotionnel dans la relation avec le client !

(…) Finalement je me réjouis que le disque de l’économie, lui, continue à tourner pour que l’on retrouve des commerçants comme mes parents les ont connus il y a un 50 ans et pas juste des banques à tous les coins de rue. A bon entendeur

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